En Gironde, au cœur d’un paysage où terre et eau se frôlent sans jamais vraiment se fondre, un carrelet, patrimoine maritime, vient d’être condamné. « Au petit carrelet », une de ces cabanes de pêche traditionnelles posées sur pilotis, doit être détruit. Une décision qui provoque des vagues.
Carrelet en Gironde : le charme discret d’une tradition suspendue
Impossible de parler de la Gironde sans évoquer les carrelets. Ces drôles de cabanes en bois, parfois brinquebalantes mais toujours pleines de charme, sont plantées au bord de l’estuaire comme des vigies du passé. Avec leurs filets carrés descendus et remontés avec patience, elles incarnent une pêche douce, presque méditative, bien loin des chalutiers et des radars.
La pêche à Bordeaux et dans ses environs, ce n’est pas seulement une affaire de poissons. C’est un style de vie. Une façon de ralentir. De vivre avec la marée. De transmettre, aussi. Ces cabanes, patrimoine maritime de la région, sont souvent familiales, passées de génération en génération. Elles ont une âme, et parfois un nom. Comme « Au petit carrelet » où ses clients s’épanouissaient avec des déjeuners au bord de la Garonne.
Crédit : Au Petit Carrelet
Une décision qui provoque des vagues
Et pourtant, malgré son bon état, son charme et son enracinement territorial, ce carrelet en Gironde doit être détruit. La décision vient de tomber : la cabane doit être rasée sous deux mois. En prime, sa propriétaire, Christelle Trouvé, devra s’acquitter d’une amende pour contravention de grande voirie. Et si la destruction prend du retard, c’est 50 € par jour. On est loin de la pêche tranquille…
Ce n’est pas faute d’avoir coopéré. Christelle a cessé toute activité commerciale en juillet 2023. Elle ne vend plus, ne reçoit plus de clients, n’utilise plus le carrelet pour autre chose que l’entretien. Et pourtant, sa cabane est visée. Pendant ce temps, d’autres structures dans des situations similaires semblent profiter d’une bienveillance administrative bien sélective.
Un flou administratif bien opaque
Ce qui frappe ici, c’est l’incohérence. On ne remet pas en cause la loi, mais sa mise en œuvre. Christelle a multiplié les demandes pour obtenir des explications claires, des justificatifs sur les autres cabanes, les critères, les différences de traitement. Résultat ? Silence total. VNF (Voies Navigables de France), l’organisme en charge, ne répond pas. Aucun document. Aucune justification. Rien. Quand l’administration se retranche dans le mutisme, difficile de ne pas penser à une politique à deux vitesses. Un carrelet en Gironde détruit sans ménagement, pendant que d’autres continuent tranquillement leur activité, parfois sans autorisation formelle. De quoi légitimement se poser des questions.
Un patrimoine maritime qu’on laisse couler ?
Ce carrelet, ce n’est pas juste une cabane. C’est un pan vivant du patrimoine maritime. Ces installations sont aussi emblématiques que les phares ou les vieux bateaux à quai. Elles racontent l’histoire d’un lien entre les habitants et leur environnement naturel, entre les générations, entre la terre et la mer.
Détruire ces cabanes sans concertation, sans explication, sans même envisager des alternatives, c’est tourner le dos à ce patrimoine discret mais profondément enraciné. C’est un peu comme décider de raser les pins des Landes pour y planter des immeubles, une perte de sens autant que de repères.
Crédit : Au Petit Carrelet
Un acharnement difficile à avaler
Depuis 2020, le parcours de Christelle est semé d’embûches. Chaque tentative de régularisation, chaque main tendue, s’est soldée par un nouveau coup de massue administratif. Des démarches, des courriers, des appels à la médiation… tous ignorés. Comme si la logique avait déserté la rive. Aujourd’hui, elle ne réclame pas de faveur. Juste un traitement équitable. Une règle du jeu compréhensible. Et surtout, la possibilité de préserver un lieu chargé d’histoire et de mémoire. Ce patrimoine maritime n’est pas un caprice : c’est un témoignage vivant d’une tradition menacée.
Des questions qui restent sans réponse
Pourquoi certaines cabanes peuvent-elles être transmises ou rénovées sans souci, alors que d’autres sont menacées ? Quels sont les critères d’obtention ou de refus des COT (Conventions d’Occupation Temporaire) ? Pourquoi ce silence total de la part des autorités ? Ces zones d’ombre alimentent les soupçons. Discrimination ? Conflits d’intérêts ? Pratiques opaques ? On ne peut que s’interroger. Et s’indigner. Car quand l’administration perd sa boussole, c’est tout le littoral qui tangue.
Défendre un carrelet, c’est défendre plus que du bois
Ce combat n’est pas seulement celui d’une propriétaire. Il parle à tous ceux qui tiennent à la préservation de leur territoire, de leurs traditions, de leur identité locale. Ce carrelet en Gironde est bien plus qu’une cabane sur pilotis : c’est un point d’ancrage. Un refuge. Un morceau de patrimoine maritime suspendu entre ciel et eau.
Alors non, il ne s’agit pas d’un simple litige administratif. Il s’agit de reconnaître la valeur des lieux qui ne se mesurent pas en mètres carrés ou en revenus générés, mais en attachement, en mémoire et en lien au vivant. Et ça, ça mérite d’être défendu.
Crédit : Au Petit Carrelet
Et maintenant ?
La mobilisation commence. Habitants, amoureux du littoral, défenseurs du patrimoine maritime, pêcheurs du dimanche ou simples promeneurs : il est temps de réagir. Parce que ce carrelet en Gironde mérite mieux qu’une fin bâclée. Il mérite d’être écouté. Il mérite d’exister.
À Quinsac, des propriétaires d’un carrelet sont actuellement en désaccord avec les Voies Navigables de France (VNF). Malgré la suppression de leur activité commerciale pour se conformer aux demandes administratives, leur convention d’occupation a été refusée cette année par les VNF, qui menacent désormais leur installation de destruction. Les propriétaires contestent cette décision et mettent en avant une différence de traitement par rapport à d’autres carrelets voisins. Ils demandent simplement que les mêmes règles soient appliquées à tous les usagers du domaine fluvial.
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